Interview pour chronic'art- rubrique QUEER-JE? 07/07/201
l'interview telle qu'elle est en ligne:
http://www.chronicart.com/queerje/queerje_070710.php
Je me permets de mettre sur mon blog l'interview en intégralité, car trop longue pour le format de Chronic'art, bien que je l'ai réécrite 3 fois.
Questions de Cyril Lener
Entretien
Naïel Lemoine, photographE, féministE
et queer.
Par
Cyril Lener/Chronic’art/Rubrique Queer-Je ?

1
– Présentez-vous. Quelle est votre démarche artistique ?
Je
m'appelle Naïel, je suis photographE féministE
,militantE, Queer, et plein d'autres choses...:)Mais je suis, avant
tout unE individuE qui aime et utilise la photographie comme moyen
d'expression et de résistance...
Je ne saurai rentrer dans aucune case,
identité fixe qui me constituerait comme sujet...je “suis” post
identitaire...
Je peux, dans un souci de luttes et de
visibilité,et selon l'espace/temps présent, revendiquer certaines
identités politiques comme identité non binaire et mouvante,
AssignéE Female To Unknow..( FTU).“not a girl”, "not a
boy”,just an another “gender”,transgenre, genderqueer, pédéE,
gouinE...
Comme je pense que les mots sont
importants et que nous y mettons toutEs des sens très différents,
je souhaiterai qu'on lise non mes définitions de queer, féministe,
genre,.., mais ce que je mets sous et sur ces mots en expliquant d'où
je me situe, quels courants de pensées ont pu m'influencer et dans
quel contexte particulier je les utilise ou non : tout ceci est
disponible ici:
http://blog.naiel.net/index.php?post/2009/04/02/Intervention-Du-31-mars-dans-le-cours-alternatif-langagen-Pouvoir-et-ideologies-ILPGA-Paris-III-sur-Destroy-Genders-or-fucking-genders
Naïel n'est pas le prénom qui m'a été
assigné à la naissance, je l'ai construit comme je construis mon
corps, ma personne quotidiennement en tentant de déconstruire les
normes qui m'ont faitE advenir en tant que sujet.
Naïel
est un prénom construit et politique. Il est le fruit de la
contraction de Nat-il/el qui est un prénom construit et choisi,
comme peut l'être cette p… de binarité des sexes et des genres
qu'on pense "naturelle" et qui régit notre société.
Naïel est là pour vous rappeler qu'il n'y a pas de nature dans ce
système binaire seulement des constructions sociales, politiques,
culturelles...qui divisent en deux l’humanité afin de légitimer
le sexisme , l’oppression d’une catégorie par une autre, les
« Normes »…et toutes les discriminations et violences
qui s’exercent sur des personnes dites a/normales.]
La
photographie est pour moi un outil privilégié au service de ce que
je souhaite exprimer.
Je fonctionne essentiellement par projets et non par images choc,
bien qu'un de mes terrains privilégiés soit les manifestations et
la vie de tous les jours,et des photographies sans mise en scène.
J'essaye dans ma démarche et notamment pour “fucking genders”
de ne pas “assigner” les personnes à une image fixe et non
voulue de leur part. J'essaye de pas tomber dans le piège d'« un
discours sur »et de laisser la place « à un discours de »
( chaque personne a pu se mettre en scène, s’autodéfinir sur un
schéma , ainsi qu’expliquer comment ellE se positionnait à un
moment donné par rapport au binaire, au genre)….Même si cela
passe par le filtre de mon regard...
je n'ai pas une démarche particulièrement esthétique :
l'émotion que mes images peuvent créer prime sur la “ beauté”
, le côté “joli”...
J'ai une une préférence pour le noir et blanc , je ne sépare
pas la photo dite “traditionnelle” argentique des autres modes de
production d'images, ni ne les hiérarchise.
Ce qui me touche émotionnellement m'inspire, cela peut être un
paysage un visage, une injustice....
J'aime aussi les errances dans des “no humans'Land” en
compagnie de mon appareil.
2-
Au niveau du langage, en quoi l’usage d’Internet permet-il la
construction d’identités dénormées, dégenrées ?
Le
concept même d'identités dégenrées ou dénormées, me pose déjà
question.
Quand une nouvelle identité se crée, se visibilise elle
produit et entretient ses propres normes, qui peuvent être en
rupture avec les normes majoritaires mais qui peuvent aussi produire
de nouvelles injonctions dans des milieux /contextes très
particuliers... je préfère pour des raisons personnelles parler
d'identités politiques ( ce qui n'a pas le même sens que de parler
d'identité ) alternatives. Ces identités politiques alternatives ne
se sont pas créées avec internet, internet par sa capacité à
faire circuler de façon très rapide un flot important
d'informations ( pas toujours pertinentes d'ailleurs) a permis de
relier aux quatre coins du monde des personnes qui essayent de ne pas
rentrer dans les normes binaires via les forums, les réseaux
sociaux, les groupes....
En
ce qui concerne le langage, beaucoup de personnes avant l'arrivée du
Web 2.0, s'étaient déjà attelées à créer d'autres formes de
langages, car le langage biaisé , produit et entretenu par le régime
hétérosexiste ne permet pas de rendre compte des réalités que
nous vivons.
La
langue française étant extrêmement genrée, il reste difficile de
la « dégenrer au quotidien »: par exemple, on peut
utiliser le E majuscule que personnellement j'utilise tout le temps à
l'écrit, il y a aussi le « -e »( exemple: à la
place de tous , on peut écrire tout-e-s), ces deux façons de
dégenrer le langage sont issues des mouvements transpedegouines
libertaires et féministes. Cela fonctionne à l'écrit et cela
circule relativement bien, même si cela commence à dater , dans
tous les réseaux informés, mais pas du tout à l'oral.
Un
nombre importants de personnes ont aussi essayé de créer un autre
langage en ce qui concerne les pronoms et l'injonction au
« il » ou au « elle » : iel, Yel,ilLE ( se
prononce ilé)....Malgré internet et sa capacité à faire circuler
ces pronoms différents, peu de gentes se questionnement quand on
utilise le iel, ilLe, ou le E, le -e...
.Leur compréhension et leur
utilisation restent confinées à certains réseaux , desquels ils
ont du mal à sortir...
Il
semblerait que la langue anglo saxonne présente moins de difficultés
car moins genrée: en pronom on trouve souvent le « zhe »
ou « sie », certainEs utilisent aussi le pluriel pour
montrer que leur « identité » ne peut se décliner que
dans la multitude ( « they »). En ce qui concerne les
pronoms possessifs, on voit aussi fréquemment le « hir »,
qui est un mix de her et his...
Internet
permet , mais je le répète dans un certain réseau, de faire
circuler ces « tentatives de langages degenrées »
et pour ceulLes qui se retrouvent dans cette volonté de ne pas être
genréE, d'y avoir accès assez facilement.
Cela permet peut être
de voir/ de pouvoir penser que d'autres « identités »
non conformes sont possibles , vivables, et de
se/déconstruire/reconstruire plus rapidement qu'avant, parce qu'il
existe déjà une visibilité...
Il
est aussi possible de ne pas genrer les personnes , on peut au
niveau des pronoms ne jamais utiliser le « il » ou le
« elle », pour cela voir un article écrit pour les UEEH
2009
(http://blog.naiel.net/index.php?post/2009/08/29/Ne-pas-genrer-les-personnes-%C3%A0-priori.)
Pour
avoir une idée de ce que peuvent être des UEEH :
http://www.ueeh.net/temp/
3-
Dans le cadre de cette réappropriation par la langue, observez-vous
des spécificités typiquement françaises dans la construction
d’une post-identité et sa diffusion sur le réseau?
Je
reprendrai la notion de construction d'une post identité par la
notion de constructionS/déconstructionS/reconstructionS sans fin
de post identitéS, car je pense que la multitude est une des manière
de semer le trouble dans le système binaire.
Sur
les spécificités françaises, j'en ai un peu parlé au-dessus, et
je déteste parler de spécificités françaises dans cette société
où l'identité nationale est reine. Peut -être parler de
spécificités francophones, qui est plus lié à la langue utilisée
qu'à une notion de frontières et d'état nation serait plus juste ,
le langage est important.
De
plus je n'ai pas encore eu vraiment l'occasion de beaucoup voyager,
et je pense qu'à l'intérieur de chaque langue, il y a des minorités
qui créent un langage dégenré ( j'ai déjà parlé des pays anglo
saxons) , par exemple en Catalan, le * ou le @ sont des manières de
dégenrer une langue très genrée : elle devient ell*....
Je
ne suis pas surE qu'il y ait des spécificités francophones et sa
diffusion sur internet fonctionne mais ne pose pas forcement question
, et donc est invisibilisée...
4-
Plus globalement, quels outils de base où spécificités de la
communication sur Internet vous paraissent les plus propices à la
queerisation - déshétéronormalisation du genre dans la
construction d’une post-identité ? ( de
post identités);
Je
vais être très brèvE sur le sujet, car je ne suis pas unE geekE.
Je pense que déjà la création de réseaux sociaux, forums publics
où dès l'inscription on ne vous oblige pas à cocher
obligatoirement homme ou femme poserait d'emblée la possibilité (
même si je pense sincèrement que peu de gentes le remarqueraient)
pour toutEs de penser la « dégenration » ( de pouvoir
penser l'impensable , cette évidence de la binarité des
sexes/genres). Et c'est loin d'être le cas actuellement...
5-
Quel est le poids d’Internet dans l’accès aux médicaments et
aux opérations relatives aux modifications du corps ?
Je
rectifierai d'abord ta question: je vais plutôt parler du poids
d'internet dans l'accès aux informations sur les possibilités de
modifications corporelles. Et dans un contexte plus précis qui est
celui des transidentités.
Je
ne parlerai pas de médicaments non plus: un médicament fait en
premier lieu référence au traitement d'une maladie. Or les
personnes transidentitaires ( terme large pour éviter de reproduire
les divisions internes au milieu trans) ne sont pas malades.
Et même
si Bachelot, par un tour de passe passe a fait repasser la
transsexualité dans une ALD hors liste,les personnes
transidentitaires ne sont toujours pas , contrairement à ce qui a
été largement diffusé par les médias, dépsychiatriséEs de
manière effective:
pour
avoir accès à une modification corporelle qu'elle soit hormonale ou
chirurgicale en (f)rance, une personne doit toujours aller voir un
psychiatre qui lui dit si elle est trans ou pas, selon leurs
critères, qui restent basés sur le DSM- IV (
qui est juste le manuel de référence qui définit les troubles
mentaux , rédigé par un collège de psychiatres américains et qui
fait loi ici) et sur la CIM 10 ( classification internationale des
maladies publiée par l'OMS) pour obtenir son papier qui certifie
qu'elle est dysphorique de genre.
Tant que des psychiatres pseudos
experts décideront pour nous, qui nous sommes et ce qui est bien
pour nous, il n'y aura pas de dépsychiatrisation effective.
Après
il est intéressant de noter que, seules les modifications concernant
des zones dites « sexuelles » et pour certaines
catégories de sexe, par la société hétéronormée soit soumises
à l'aval de la psychiatrie. Se faire augmenter les seins quand on a
été assignéE femelle à la naissance est une pratique de plus en
plus courante, libre ( enfin si l'on évacue la pression de la
société sur les normes de LA Femme d'aujourd'hui), se faire refaire
le nez ne pose pas plus de problème....
La
force d'internet a été de faciliter les échanges via de nombreux
forums , de pouvoir discuter , d'avoir des photos, des idées de
couts, et ainsi de pouvoir choisir ce qui est le mieux pour soi (
enfin en fonction de son niveau de vie bien sûr).
Un des forums où
je suis alléE le plus souvent, pour des informations techniques mais
surtout pour échanger avec des personnes ouvertes à des
« parcours » différents, des transidentités
différentes, a été celui de Lazz ( il n'est plus en service
actuellement) et je ne retrouve pas les archives: ftmvariation ( le
nouveau forum destiné au FTM pédés et à leurs partenaires se
situe là: http://www.ftmvariations.org/forum/.
Il y a également ce forum avec des informations techniques de grande
qualité:http://ftm-transsexuel.info/.
Ces
forums en langue française ont permis de créer des réseaux en tous
genres, et a grandement participé à l'émergence de la visibilité
FTM en (f)rance, avant il fallait se rendre sur des sites anglophones
ou aller frapper aux portes des associations.
Cela
a aussi eu pour incidence des contacts plus virtuels, alors que les
groupes d'auto support développés par certaines association trans
restent des lieux plus « humains » pour discuter et
échanger ( GAS ; http://www.outrans.org/spip.php?rubrique3).
Dans
le même temps, je tiens à signaler que beaucoup de sites de body
art, de performances artistiques( issues des performances des années
70) dans lesquelles les modifications corporelles sont la pratique
artistique même, ont aussi émergé, et il existe des liens ou pas
entre ces divers « milieux »
6-
Le pouvoir politique semble complètement dépassé par la nature des
évolutions généralement induites par Internet. Dans quelle mesure
comprend-il l’illustration de du queer et de la post-identité sur
le réseau ?
Le
terme de pouvoir politique me semble très flou: de qui parle-t-on ?
Du pouvoir politique qui sévit en ce moment en (f)rance? Autre part?
Des politiques ?du politique ou de la politique, ce qui est
différent.
D'une
manière générale , je ne pense pas que le « pouvoir
politique »( pour le coup j'y mets toutes les personnes qui
gouvernent des pays), soit dépassé par internet, bien au contraire.
La
circulation, par exemple de photographies sur les scènes de torture
à Guantanamo,
répondent à une logique et une volonté précise de légitimer un
impérialisme américain et la guerre de façon plus générale au
non d'une pseudo liberté qui définirait ce qui est humain de ce qui
ne l'est pas, de quelles vies sont vivables , légitimes alors que
d'autres vies ne le seraient pas ( car sauvages , barbares, ne
répondant pas aux normes des sociétés dites modernes, et donc
relayées à des sociétés inférieures d'un autre temps, qu'il faut
éduquer ou détruire ( et là je fais très simple, la réalité est
beaucoup plus complexe....).
Et
c'est justement une des particularités des analyses dites queers (
mais aussi d'analyses féministes matérialistes ) de croiser les
questions de classe , de genre, de race et de pointer de façon
claire la colonisation qui continue de populations dites « barbares »
par les sociétés occidentales dites modernes, mais je m'écarte un
peu du sujet.
Je
ne peux pas répondre à la deuxième question car le terme de
pouvoir politique est trop vague et sans contexte.
Après qui voit,
veut voir, comprend, les « illustrations » diverses
« queer » , sincèrement je n'en sais rien, mais pour
pouvoir à minima les comprendre encore faut-il être en lutte et
prendre conscience du régime heterosexuel politique colonial et
raciste qui nous a constituéEs en tant que sujets....
En
ce qui concerne la photographie plus précisément, des artistes
comme Del la grace Volcano, et beaucoup d'artistEs francaisEs aussi (
là je ne peux pas toutEs les citer, et il y a aussi toute la
production artistique féministe à citer) qui comment à avoir un
certain poids et qui peuvent arriver à toucher un public plus large.
Après,
comme je l'avais écrit dans l'article pour la 10ème Muse (Dossier
Genre, p19, la dixième Muse, n°37,
mars/avril 2009.)
http://blog.naiel.net/index.php?post/2009/03/16/article-dans-la-dixieme-muse-N37-mars/avril%3A-dossier-genre,
il me semble important dans cette subversion de ne pas ériger via
ces “productions” de “genres” “degenréEs”, de nouvelles
normes, de nouvelles injonctions....à une nouvelle norme identitaire
“queer” ou “freaks”.
La
subversion que peut produire une image dans un certain espace/temps
peut devenir une injonction dans un autre espace/temps et en tant
qu'artistEs nous ne maîtrisons absolument pas les discours sur nos
productions qui sont parfois l'inverse de ce que nous souhaitions
montrer. C'est d'ailleurs un des aspects intéressants et parfois
très agaçants de la multitude des diffusions d'images
décontextualisées sur le net.
J
Butler parle d'ailleurs, via l'analyse des discours de Susan
Sontag et de la circulations des photos de scènes de torture à
Guantanamo et Abou Ghraïb (
« Ce
qui fait une vie:Essai sur la violence la guerre et le deuil »)
des questions liées à l'image et de sa diffusion décontextualisée
et donc de ses réceptions diverses.
7-
Qu’est ce que le Destroy Genders/Fucking Genders ? Comment le
diffusez-vous sur le réseau ? Et comment l’observez-vous se
diffuser de lui-même ?
« Destroy
Genders or fucking genders: pour une société non biniare »
est un vaste projet qui combine photographieS, textes, et schémas (
et aussi vidéos); et qui je le reprécise à chaque fois, mais cela
ne semble pas entendu, n'est pas une exposition sur les trans
et les intersexes.
Elle questionne le genre et « l'ordre
naturel des genres/sexes », dans ce sens , elle nous concerne
toutEs.
Cette
exposition n'est que la 4ème partie d'un projet plus vaste que vous
pouvez lire sur mon ancien site ( en français):
http://naiel.net/
et sur le
nouveau site bientôt à la même adresse en 4 langues. Les vidéos
sont déjà en 4 langues ici:http://www.myspace.com/fuckinggenders
Toute la
démarche de cette exposition est expliquée ici:
http://blog.naiel.net/index.php?post/2009/04/02/Intervention-Du-31-mars-dans-le-cours-alternatif-langagen-Pouvoir-et-ideologies-ILPGA-Paris-III-sur-Destroy-Genders-or-fucking-genders
Je tiens aussi à
préciser que cette exposition date de 2007, et qu'en la faisant
j'étais déjà dans d'autres réflexions comme toujours .
Comme pour touts
mes expositions , je les présente d'abord dans un espace/temps réel
( pour celle-ci:cela a été le festival Cineffable 2007), ce qui
était déjà un challenge en soi, car Cineffable est un festival non
mixte lesbien.
Après, elle a
été mise sur mon site personnel, puis j'ai aussi créé un myspace
pour cette exposition là, car je ne pouvais pas mettre à jour mon
site moi même, et aussi parce qu'à cette époque Myspace permettait
de diffuser rapidement dans toute la (f)rance et hors de (f)rance, ce
qui m'a permis de créer des liens avec beaucoup d'artistes notamment
à Berlin.
Je l'ai
également diffusée sur beaucoup de forums en (f)rance, les
personnes qui ont aimé ont relayé , diffusé sur d autres espaces
de la toile. Mais il faut au départ poster beaucoup et parfois on a
l'impression de se vendre. Cela prend aussi énormément de temps et
d'énergie, mais cela permet à des personnes qui n'ont jamais pu
venir physiquement voir cette installation, de la voir au moins sur
le net.
Maintenant, je
suis beaucoup moins actifE par rapport à cette exposition sur le
net, elle se diffuse ou pas d'elle même, j'ai parfois des mails
d'insultes ou des mails de personnes qui me disent avoir été
touchées et poussées à la réflexion par cette exposition.
Nous sommes en
2010, et j'ai fait beaucoup de choses en photographie avant et après
« fucking genders », mais elle semble avoir marqué les
gentes de par la haine ou l'intérêt qu'on peut me porter.
Pour tout ce qui
concerne cette exposition vous pouvez trouver des réactions ( sur
mon blog naielworkinprogress qui est en reconstruction aussi) , et un
peu partout via google si vous tapez naiel ou fucking genders. Vous
pouvez aussi trouver une brève analyse de ce que cette exposition a
pu déclencher comme réactions et en retour comment elle est parfois
devenue lourde à porter
...ainsi que les limites qui la constitue :
penser l'impensable.
8-
Vous êtes très actifE sur les réseaux sociaux (notamment Facebook
et MySpace). Quelles spécificités d’interface des réseaux web
2.0 vous semblent les plus intéressantes dans l’appel à une
autodéfinition de l’identité ? Quelles sont leurs lacunes ?
Le
web 2.0 a permis au plus grand nombre de créer des blogs/sites sans
avoir à taper du code, ce qui a démocratisé et multiplié le
nombre de blogs/sites sur la toile. La possibilité de laisser des
« comments » permet aussi d'avoir des retours et des
échanges . Après il y a eu la mode myspace ( à l'époque où j'ai
créée le mien en français, il fallait taper un peu de code quand
même, il n'y avait pas de proposition en français d'interfaces
graphiques modulables toutes prêtes), qui m'a permis de diffuser et
de rencontrer virtuellement et parfois dans la vie des personnes
intéressantes.
Mais
sur la question de l'autodéfinition de l'identité et notamment sur
la question des genres sur myspace et facebook ( qui est devenu le
réseau social à la mode et qui est déjà dépassé par d'autres),
il faut toujours cocher la case soit homme soit femme, ce qui ne
permet pas de s'autodéfinir.
La
binarité des genres/sexes est tellement inscrite comme une évidence
( et donc qui ne se questionne pas) qu'on la trouve également sur
des réseaux sociaux.
Sur
myspace , en plus, quand vous faites une recherche via google, la
première information qui apparait en gros à coté de votre blog
est FEMALE ou MALE...
.Facebook
n'y échappe pas non plus même si on a le choix de paramétrer ce
qu'on fait apparaître ou pas et donc de faire apparaître ou non
sur sa page les deux catégories « femme » et « homme ».
Mais pour s'inscrire, sur le site français ( je ne m'avancerai pas
sur l'interface anglophone car je ne suis pas sûrE), vous êtes
obligéEs de cocher homme ou femme.
Dans
quelques réseaux sociaux , mais plus spécifiques à un intra réseau
« queer », « transpédégouines », vous
pouvez cocher autre chose ou ne rien cocher et ceci dès le
formulaire d'inscription ( voir le réseau qu'a cité Kings queer).
Mais ces réseaux sont souvent très confinés par choix ou non, et
peu de gentes hors milieu TPG, féministes... les connaissent.
Pour
ce que je connais des réseaux sociaux , ils ne permettent pas pour
l'instant de s'autodéfinir et restent soumis au , produits par et
entretiennent un régime politique binaire du genre/sexe.
Je
signalerai aussi que toutes ces facilités induites par le web 2.0
ont un coût politique élevé:
l'acceptation du système capitaliste
avec toutes les pages polluées par la publicité et l'utilisation de
vos données personnelles à des fins commerciales au moins pire)...
Le militantisme existe aussi en informatique, les systèmes
d'exploitation libres comme Linux et ses divers variations, les
logiciels libres ( la suite open office et un tas de logiciels
libres) sont utilisables et proviennent de réseaux coopératifs
alternatifs..
.Pour une personne non geek comme moi, elles peuvent
sembler difficiles d'accès au premier abord , mais le deviennent de
moins en moins...
Certains
réseaux ont intégré par choix militant ces outils informatiques
alternatifs comme des listes ( sympa...) , des sites/blog ( ouvaton,
poivron....) et sont de ce fait un peu plus difficiles à trouver
sur le net.
9-
Existe-il une particularité d’échange, de collaboration sur
Internet entre photographes ou plus globalement d’artistes
travaillant sur la question du genre, sa déconstruction ?
Je
fréquente très peu le milieu des photographes, étant autodidacte,
ce n'est pas toujours simple, mais oui il y a des projets qui
existent ou ont existé, mais leur impulsion ne vient pas du net.
La
queer factory ( le site n'est d'ailleurs plus en ligne, il reste des
liens comme via le site de Cy Yung
http://cyjung.com/spip.php?article88
,
les collaborations DIY ( « dykes rivers » qui ne se
définit pas forcement comme queer et plein d'autres)…
http://www.dykerivers.com/
On
découvre aussi des artistEs via le web qui travaillent sur ces
questions, mais iels sont parfois dans d'autres réseaux que moi,
dans des réseaux plus spécifiquement artistiques avec tout ce que
le monde de l'art peut générer comme exclusions, questions de
légitimité, de ce qui est art ou non...
CertainEs
artistEs sont impliquéEs dans différents milieux, comme par exemple
Tom de Pekin, Bogdan W rousseau....( iels naviguent dans le monde de
l'art et dans d'autres milieux plus militants:
un
collectif l'évadée expose d'ailleurs aux festival off d'Arles cette
année « identity Lab »:
http://www.voies-off.com/index.php/fr/identity-lab
Après
, ne fréquentant pas particulièrement le milieu de l'art , ni sur
le net ni dans la vie, je ne suis pas très au courant des collectifs
qui se créent, ni comment ils se créent.
10-
Quelles sont les prochaines étapes que vous aimeriez atteindre dans
votre démarche artistique et militante ? Quelles évolutions
technologiques récentes ou à venir vous semblent les plus
prometteuses dans l’atteinte de ce but ?
Les
trois dernières années de ma vie ont été compliquées, de par ma
vie personnelle (des déménagements successifs
paris-Marseille-paris-marseille), de par mon engagement militant dans
des groupes et dans la création de certains et des désillusions en
tous genres qui vont avec, de par les violences internes aux dites
« communautés » trans , queers..., et tout ceci entre
autre ne m'a pas permis de me rendre disponible pour la photographie.
Pour
le militantisme , ma réponse est claire , nette et définitive, en
groupe c'est terminé pour moi sauf pour des occasions ponctuelles,
car les luttes fragmentées, égotiques, des luttes où on ne peut
plus parler librement et
qui visent la formation de sujets homogènes sont devenues pour moi
des pertes d'énergie, de temps sans compter le coût affectif.
Mon
militantisme s'exprimera comme avant par mes projets photographiques,
ou pas.
Sur
ma démarche artistique, j'aimerai travailler plus sur des projets
purement photographiques mais aussi sur des projets mélangeant
différentes formes d'expressions. J'aimerai aussi participer à des
collectifs mais ne plus être soumisE à la pression du monde
militant.
J'ai
déjà depuis 2007, un tas de photographies qui circulent sur le net,
d'autres sont dans des disques durs, j'ai un travail énorme de tri à
faire, et déjà une dizaine de projets écrits mais non réalisés.
- « Réfractaires au genre »
-un projet plus global sur l'antipsychiatrie, l'enfermement
et le contrôle sur nos personnes
un travail en cours sur les questions Cyborg qui sera peut
être exposé aux ueeh cette année si je l'ai fini à temps , ce
qui semble mal parti.
La refonte de mon site web depuis novembre 2009 prend également
beaucoup de temps, et je pensais en avoir fini avec « fucking
genders » mais la possibilité de rendre les vidéos
interactives va surement me pousser à retravailler les parties
vidéos afin de les rendre plus attractives et moins indigestes.
Je repense actuellement aussi ma démarche artistique.
En résumé, je souhaite un peu de paix, même si de par ce que
suis, je suis toujours en résistance, pour me consacrer à mes
projets qui bien sur ne sortent pas de nulle part et questionneront
ce qui me questionne.
Sur les avancées technologiques qui pourraient me permettre tout
cela, je n'ai pas grand chose à dire, si ce n'est qu'elles ont un
coût financier et que mon matériel actuel ne me permet plus de
faire ce que je veux...
Pour l'instant, je n'ai pris aucun engagement en ce qui concerne
des expositions, car j'ai besoin de repos et de me re/trouver, je
pense juste pour la première fois de ma vie participer à un
concours à Nice et retourner aux rencontre off d'Arles .
Je pense à terme aussi me rapprocher plus des »milieux »
artistiques divers sur le net et dans la vie.
L'actualité de mes travaux peut se suivre via
www.naiel.net/
www.naiel.net.blog/
www.naiel.slide.com/
photos d'évènements militants
http://www.myspace.com/fuckinggenders
http://www.myspace.com/naiel13
http://www.facebook.com/naiel13
Mon Facebook est plus destiné comme l'était mon myspace à des
informations à caractère militant.